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#30 : Forever Jung (26-03-21) 

    Quand j’ai fait part de mon enthousiasme à un ami parce que j’avais commencé à percer le mystère de la pensée de Jung grâce à un cours à l'université (Religion et psychologie), il m’a répondu que j’étais atteint de la Jungle Fever ! Il avait pas tort. Mais j’ai plutôt choisi de titrer ce carnet Forever Jung (Forever young) en lien avec Rod Stewart et son magnifique album Every picture tells a story qui a meublé de belle façon mon dernier hiver. Un mélange de folk et de rock très cru, très beau et très sincère. Et puis j’ai réalisé qu’une 2e raison, encore plus pertinente, justifiait le choix de l’Écossais. Il se trouve au cœur de l’album une version magnifique d’Amazing Grace. Et Jung s’est justement beaucoup intéressé à l’expérience mystique qui est décrite dans Amazing Grace et il a tenté tout au long de sa carrière d'expliquer rationnellement ce phénomène dont on dit qu’il est ineffable, au-delà des mots et de la raison telle qu’on l’entend normalement. Même si on sait à quelle enseigne il loge personnellement – il a déjà affirmé que quand on sait, on sait, on n'a pas besoin de croire –, Jung essaya toujours de proposer une analyse du phénomène qui peut autant satisfaire un croyant qu’un athée (à moins d'être freudien mais ça, c'est une autre histoire). La psychologie, via le symbolisme, serait une voie par laquelle un contenu incréé nous serait communiqué, et ce, inconsciemment et collectivement. Peu importe par qui ou par quoi, Jung s'intéresse avant tout à la manière et au contenu. Pour lui, il est évident que l’expérience subjective est primordiale ; non seulement c’est tout ce que nous avons, la subjectivité est en soi un phénomène objectif auquel il faut s’attarder un peu plus longuement si l’on désire comprendre qui nous sommes vraiment. 

 

 

    Pour Jung, le témoignage d'un individu qui estime avoir vécu une expérience mystique dont la teneur et l'intensité lui ferait dire qu'elle est la chose la plus significative qui lui soit arrivée, ce témoignage ne peut pas être écarté et étiqueté comme étant une simple fabulation. Jung ne voit pas sur quelle base il s'appuirait pour ne pas tenir compte du récit bouleversant, une expérience qui va jusqu'à changer radicalement la vision que cette personne a du monde et d'elle-même... Et lorsqu'on prête attention à ce que raconte le personnage dans Amazing Grace, c'est tout sauf banal. Il nous parle d’une révélation, d’une transformation ; avant il était aveugle, maintenant il voit, il est sauvé. Non seulement Jung semble bien comprendre, tel que rapporté plus haut, ce dont il est question, il a trouvé comment cartographier le parcours psychologique de celui qui traverse une expérience mystique pourtant réputée comme étant indescriptible. Fallait le faire. Jung n’a pas réduit pour autant ce phénomène à un événement prédéterminé, qui s’expliquerait grâce à la science et à la physiologie. On reste devant une transcendance, mais une transcendance qu’il est impossible d’ignorer tant elle désire se manifester et entrer en contact avec nous. C’est que nous aurions un inconscient collectif qui nous chuchote constamment des choses à l’oreille, à travers ce que Jung appelle les archétypes. 

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    Les archétypes seraient des patterns, des traits psychologiques, on dira une forme, mais une forme qui aurait toujours existé. Un peu comme le serait un réflexe ; personne n’apprend à respirer, le système s’en charge tout seul. L’archétype serait à la psyché ce que le réflexe est au corps. Et tout comme l’évolution a façonné notre biologie, l’évolution tend également vers des formes psychologiques pré-établies et données collectivement à l’humanité. Mais nous aurions seulement accès à la forme, jamais à l’archétype en soi. Dieu, toujours selon Jung, serait justement l’archétype qui est responsable de l’instinct religieux qui nous habite. Représentation à la fois subjective et objective, la forme que Jung nomme l'image-Dieu est en fait un symbole, symbole qui est manifesté par une source archétypale à laquelle l’esprit n’a pas directement accès. Dieu est donc un a priori qui appartient à l'inconscient collectif et qui participe à la formation de notre psyché – ne serait-ce qu'en raison de la finitude à laquelle son concept nous renvoie –, même si on ne peut l’appréhender que d’une manière symbolique, ce qui lui laisse beaucoup de latitude pour épouser les formes culturelles (Zeus, Allah, Brahman, Dieu, etc.) et individuelles qu'il évoque et manifeste de manière objective ET subjective, on le répète...

 

 

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    Je connaissais bien sûr le nom de Jung, que j’associais surtout au phénomène de la synchronicité – hâte de lire comment il explique que la réalité puisse devenir à ce point intriqué à la psyché de l’individu, j’en sais quelque chose (carnet #24) ! – mais dont le concept des archétypes me dépassait ; chaque fois que j’avais voulu lire Jung, je n’y comprenais absolument rien. Ce fut la découverte la plus spectaculaire que j’ai fait cette année à l’université mais c’est loin d’être la seule. Mon cours d’Introduction à l’islam est passionnant, tout comme le professeur qui le donne, et j’apprends une foule chose que j’ignorais de notre passé à travers mon cours d’Histoire religieuse du Québec grâce à un professeur tout aussi intéressant. Contrairement à ce qu’on aime penser, notre histoire religieuse ne fut pas qu'une grande noirceur ; une frange très libérale du clergé canadien-français a formé toute une jeunesse dans les années 30, elle ne s’est pas faite toute seule la Révolution Tranquille ! La bande-annonce de Vinland que j'ai vue passer m'a tout l'air de traiter justement de ce sujet.

    Mais pour revenir à Jung, ce n’est que maintenant que je suis pleinement en mesure de constater que l’esprit de Jung souffle partout au-dessus de ces carnets. Le #3, celui où je décris le rêve de l’Île-Falaise, songe que j’ai fait alors que j’étais très jeune enfant, aurait pu être un cas d'école si j'avais étais un patient de Jung tant les symboles qu'il contient sont éloquents ! J'ai aussi cité un extrait de son livre L'homme et ses symboles en introduction de ce carnet, le #26 L'esprit du temps et la mécanique des idées car j’aimais ce que la citation exprimait sans toutefois pleinement saisir le contexte duquel elle avait été extraite. 

    Pour Jung, peu importe sa source, la décharge énergétique et l’intensité du témoignage et l’importance qu’il revêt aux yeux de la personne qui revient d’une expérience mystique ne peut réfuter la vérité de ce qui est rapporté. Et ce qui est rapporté raconte souvent la même chose, on revient ébahi du fait qu’il n’y a plus de contradictions (carnet #17), la coincïdence des opposés à laquelle Jung fait souvent référence. Tout devient UN, il n’y a plus de distance, de temps, il n’y a plus d’opposés. La logique de la contradiction n’a plus cours (ce dont traite le carnet #29 sur Stéphane Lupasco et la kabbale) et c’est bien parce qu’elle n’est plus là qu’on est à même de réaliser qu’elle a toujours été là..! 
« I was blind but now-ow-a-ow I see » chante Rod dans Amazing Grace... Bref, je suis jungien full pin... Bon, j’avais dit que j’arrêtais au 30e carnet, de toute façon j’ai des travaux de sessions à remettre. Faque ciao bye, et merci à ceux qui me lisent !

 

#24 Synchronicité : Quand le hasard exagère 

« Dans la psychologie analytique développée par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, la synchronicité est l'occurrence simultanée d'au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l'association prend un sens pour la personne qui les perçoit ». - Wikipedia 

Jung m’est souvent proposé par Youtube. Il est une figure majeure pour de nombreux penseurs auxquels je m’intéresse, notamment en raison de son concept de shadow qu’il définit comme étant une part d’ombre de notre psyché - pas la plus jolie - qui nous échapperait et à laquelle il nous faudra tôt ou tard faire face si l’on désire pleinement se réaliser. Ceci expliquerait entre autres comment un père de famille aimant peut devenir gardien d'un camp de concentration comme à Auschwitz pendant la 2e Guerre Mondiale, ou briser la famille de son voisin en le dénonçant pour ses activités « subversives » comme en Europe de l’Est avant l’effondrement du mur de Berlin… L’histoire de Jung n’est pas banale. Il raconte être resté jusqu’à l’âge de 11 ans dans un état psychologique plutôt particulier ( à partir de 2:57 dans le lien ), et qu'avant cet âge, il avait toujours senti qu'il n'était pas séparé du monde, qu'il n'avait pas conscience d'être un individu à part entière ! Quant au concept de synchronicité, Jung l'a développé après qu'il ait lui-même vécu d'étonnantes coïncidences et que plusieurs de ses patients lui aient confié la même chose. Mais une coïncidence n'est pas en soi nécessairement une synchronicité. Pour pouvoir être considérée comme telle, les 2 événements (ou plus) qui participent à la coïncidence doivent aussi être reliés par une trame porteuse de sens. Si la personne qui est devant vous dans une file porte les mêmes nom et prénom que vous, c'est certes une coïncidence mais ce n'est pas une synchronicité pour autant car l'incidence de ce hasard n'a pas de portée en dehors du moment et de l'endroit où il se produit.

Ce n'est que récemment que j’ai réalisé avoir vécu il y a plus de 25 ans une synchronicité dans le sens où Jung  l'entend. J'avais bel et bien été un acteur de premier plan dans le déploiement d’une occurrence simultanée lourde de sens, et dont les probabilités qu’elle se réalise dépassaient l’entendement comme vous serez à même de le constater. L'étrange concours de circonstances qu'elle a par la suite engendré 2 décennies plus tard n'est pas banal non plus, comme si l'écho de cette première synchronicité en avait déclenché d'autres..!

 

 

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En secondaire 3, je suis devenu complètement gaga d'une fille qui était de 2-3 ans mon ainée. Simplement la voir passer devant mon casier me chamboulait. Non seulement je la trouvais très jolie, j'avais l'impression de déjà la connaître, même si je ne lui avais jamais adressé la parole. Mais avec le temps, et malgré qu'elle m'intimidait beaucoup, je réussis tranquillement à m'en approcher. J'ai certes travaillé fort pour que cela se produise mais le nombre de fois où le hasard m'a aidé fut quand même impressionnant. Comme je n'étais pas du genre à tenir un journal, j'ai malheureusement oublié pas mal d'anecdotes mais il serait difficile de ne pas se rappeler la fois où ayant perdu son ancienneté comme monitrice dans les camps de jour de Laval, elle put réintégrer in extremis son emploi en étant affectée à la petite équipe où j'étais moi-même moniteur. Laval, je tiens à le rappeler, c'est quand même la 2e plus grosse ville du Québec, et c’était pas les camps de jour qui manquaient. Par contre, comme 2 années de scolarité nous séparaient, il y a eu de longues périodes où je ne l'ai pas croisée. Mais la vie est ainsi faite qu'un soir, elle se pointa à mon appartement pendant qu'on y tenait une fête. Je ne m'attendais pas à sa venue mais comme mes colocs et elle avaient des amis en commun, ce n'était pas non plus surprenant qu'elle y soit. J'étais bien content de la revoir et elle aussi il me semblait. Ce fut une belle soirée, et de l'avoir passée en sa compagnie raviva mon sentiment pour elle. Je décidai donc de lui écrire quelques jours après pour lui faire part de la chose. Une fois ma lettre terminée, je me suis dit que je passerais avant mon cours par le bureau de poste de l'Uqam pour lui envoyer ; on devait bien offrir ce service quelque part sur le campus. Je ne m'étais pas trompé, il y avait bel et bien un comptoir postal dans l'université mais il était pas facile à trouver. J'ai dû demander mon chemin plusieurs fois avant d'arriver au corridor situé au 2e sous-sol dont on m'avait parlé. On se serait cru dans un film de science-fiction soviétique ou dans une base militaire secrète tant le corridor était long et qu'on y croisait personne. J'en étais même à me demander si j'étais sur le bon chemin; il me paraissait insensé qu'un bureau de poste soit à ce point reculé et difficile d'accès. Mais enfin, après 2-3 minutes à marcher seul - alors que l'Uqam était envahie par des milliers d'étudiants qui se mettaient en route pour leurs cours quelques mètres au-dessus de ma tête - une silhouette est apparue au loin, me donnant à penser que j'allais peut-être dans la bonne direction. Évidemment, plus j'avançais, plus il devenait possible de distinguer les traits de la personne qui marchait vers moi. Je pouvais commencer à déceler qu'il s'agissait d'une fille. Qui avait l'air plutôt jolie. Et dont la démarche me rappelait de plus en plus quelqu'un... Et puis, comme en secondaire 3 lorsque passait devant mon casier un certain visage, mon rythme cardiaque s'est mis à s'accélérer. Je croyais avoir la berlue. La fille dont je ne cessais de me rapprocher ressemblait un peu trop beaucoup à celle à qui je destinais ma lettre... J'ignorais qu'elle étudiait à l'Uquam en même temps que moi avant qu'elle ne se pointe chez nous quelques jours auparavant, et voilà qu'on arrivait simultanément par des chemins opposés devant le bureau de poste encastré à même le mur du corridor où nous nous retrouvions maintenant face à face. J'étais trop sonné. J'ai nerveusement balbutié quelque chose, remis la lettre au préposé (!), et je suis reparti, le pas pressé vers le local où mon cours allait commencer d'une minute à l’autre.

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Avouez. Tomber face à face au comptoir postal avec la destinataire de votre lettre à laquelle vous pensez depuis plusieurs jours (la lettre et la destinataire), dans un endroit dont vous ignoriez l'existence une heure auparavant; les chances que cela se produise sont plus qu’improbables. Il faut dire aussi que la mise en scène de cette synchronicité - le long corridor souterrain, le fait qu'il était désert alors que l’université était pleine à craquer, qu’on s’y soit rencontrés en marchant l’un vers l’autre en direction opposée -, tout ça ajoutait à la séquence un côté très cinématographique et encore plus surréel.

Et plus de 25 ans après cet épisode, une cascade de petites synchronicités qui impliqueraient à nouveau cette fille allait se mettre en branle, pour culminer sur une autre synchronicité - cette fois sans elle - , mais du même acabit que celle que je viens de relater.   

 

 

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J’avais depuis peu retracé Dominique sur Facebook. Dominique, c’est le prénom de la fille avec qui il est arrivé la synchronicité décrite un peu plus haut. Je venais de me familiariser avec le concept de Jung et j’étais curieux d’avoir son avis sur la question, et de savoir comment elle se souvenait de cet événement. Elle s'en rappelait très bien et avait même gardé la lettre. Comme nous étions maintenant devenus amis sur Facebook, il arrivait de temps à autres que nous commentions les posts qu'elle ou moi affichions sur nos murs respectifs. L'hiver et le printemps passèrent et vers la fin de l'été, notre correspondance épisodique prit une drôle de tournure; une suite de commentaires et de réponses échangés tard dans la nuit qui tournaient autour des réseaux sociaux, l’évolution et Patrick Lagacé (!) trouvèrent un drôle d'écho le lendemain matin dans une chronique de Patrick Lagacé qui causait justement de réseaux sociaux sous l’angle de l’évolution! Puis quelques jours plus tard, la chroniqueuse culturelle de la toute nouvelle émission radiophonique du retour à la maison de… Patrick Lagacé - encore lui - insisterait pour m’interviewer (ma copine et moi pour être plus précis) tandis qu’elle assistait à un Choeur d’un Soir au Tavernä dans le cadre d’un documentaire sur les chorales. Et pour terminer le tout, je tomberais environ une semaine plus tard sur Dominique dans une file à l’épicerie. Cela devait faire 20 ans que je ne l’avais pas croisée. Ça commençait à faire beaucoup de hasards tout d’un coup. Et ça ne s’arrêterait pas là. 

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2 semaines plus tard, je reçus un couple d’amis pour le souper. La soirée avait été particulièrement intense. Alors que je décantais le tout en picossant le restant d’une salade de haricots dans un bol avec une fourchette, mon regard s’arrêta sur une photographie qui était aimantée sur la porte du frigo. Cette photographie réveilla chez moi une grande tristesse étant donné la situation mouvementée que je vivais alors. À travers les haut-parleurs, Listen to what the man said de McCartney en était à ses dernières notes et laissait graduellement la place à Treat her gently (Lonely old people), amplifiant du même coup mon émotion. C’est vraiment une pièce magnifique, méconnue mais très poignante. Des larmes avaient commencé à couler sur mes joues et des vagues de sanglots me secouaient. Ne voulant pas que mes filles me surprennent dans cet état, je me dirigeai dans mon bureau où je me laissai aller sans retenue. Je revins dans la cuisine une fois mon chagrin épuisé, et la forte envie d’écouter une chanson en particulier, 4 seasons in 1 day de Crowded House, me prit. Alors que ma plus jeune fille sortait de la salle de bain, j’insistai pour qu’elle reste avec moi et entende cette magnifique chanson. 

« Blood dries up 
Like rain, like rain 
Fills my cup 
Like four seasons in one day » 

Une fois le premier refrain terminé, elle me regarda et me lança: « Wow papa! C’est don’ ben beau cette chanson-là! ». Elle insista pour que je la lui montre à la guitare le soir même, et dès le lendemain, elle arriverait à la chanter en s’accompagnant. Jusqu'ici, rien d'anormal à signaler.

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J’habite tout près de la piste cyclable qui longe le chemin de fer sur des Carrières. Je la fréquente souvent le soir pour y jogger ou juste m'y promener, ce que je fis le surlendemain du souper évoqué plus haut, afin de méditer sur la source de la peine qui m’habitait depuis plusieurs jours, espaçant de temps à autres mes pensées en me chantant à voix basse 4 seasons in 1 day qui ne me quittait plus depuis. Alors que j’étais sur le chemin du retour, j'aperçus un couple qui se dirigeait dans ma direction. Mi-punk mi-grundge, tous deux le visage caché par un capuchon, ils marchaient en silence, à côté d’un vélo sur lequel était accroché un sac à dos qui contenait un petit radio ou quelque chose du genre. Plus je me rapprochais d'eux, plus j'arrivais à discerner la musique qu'ils écoutaient. Un beat programmé ponctuait les mesures, accompagné par un piano et des "ah-ah-ah-ah" samplés, le tout formant un motif sur lequel une voix féminine enchainait un air et des paroles qui me devenaient de plus en plus familiers... "...like rain, like ra-ai-ain, fills my cup... ah-ah-ah... like 4 seasons in 1 day". J'étais sûrement entrain d'halluciner. Il faut dire que je ne dormais pas très bien depuis quelques jours, peut-être que ce que je venais d'inhaler pour m'aider à m'endormir m'avait fait imaginer des choses..? À moins que le couple avait ensemble un projet musical et qu'ils écoutaient la reprise inédite de cette chanson qu'ils venaient d'enregistrer (même si ça ne cadrait pas vraiment avec leur look...)? Ou bien la fille était télépathe - rendu là - et avait décidé de s'amuser à mes dépens en ajoutant sa voix sur un beat? Ou encore plus plausible: Je devenais fou et parano? Je commençais à envisager sérieusement cette option tellement il m'apparaissait insensé que parmi les millions de chansons composées et enregistrées depuis que le monde est monde, ce soit celle-là qui résonne à travers le sac à dos des deux piétons qui venaient à ma rencontre. On comprendra j'espère l'ampleur de ma stupeur; on parle ici d'une chanson que ma propre fille était entrain de jouer à la guitare avant que je ne sorte de l'appartement pour aller prendre cette marche. De la même chanson que j'avais désiré écouter pour me consoler 2 jours auparavant. Et la même que je me chantais épisodiquement depuis la dernière heure..! Ce n'était pas non plus comme si ça avait été un gros hit qu'on avait entendu souvent à la radio; Crowded House ont quand même eu plusieurs succès qui ont connu une diffusion beaucoup plus large que cette ballade sortie en 1991. Anyway... Éberlué, je continuai de tendre attentivement l’oreille tout en faisant un pas de côté dans la rue, le trottoir n'étant pas assez large pour nous laisser passer tous les 3. Je les dépassai tandis que le rythme suivait sa cadence et que la voix séquencée continuait de scander des "ah-ah-ah-ah", mais sans que je ne puisse entendre d'autres paroles ou une mélodie qui puisse m'en apprendre davantage. Je ne savais pas si j'étais déçu ou soulagé... Et pourtant, j'étais convaincu d'avoir bel et bien entendu au minimum la dernière phrase qui conclue le refrain. Ça aurait pas été la première fois que l'univers utilise des voies inhabituelles pour m'envoyer un message... J’écrivis tout de suite en arrivant à la maison à mon ami Philippe - véritable encyclopédie musicale - pour savoir s’il connaissait à tout hasard une fille qui aurait repris cette ballade de Crowded House. Il allait me répondre le lendemain avec un lien menant à cette version. J'étais sur le cul, on pouvait entendre à la toute fin le passage qui s'était rendu jusqu'à mes oreilles...

 

 

On a beau tourné ça d’un bord comme de l’autre, il faut convenir que cela est au-delà du hasard, que la chance à elle seule ne saurait suffire pour expliquer cette énorme coïncidence. Ce hasard fut certes incroyable, mais quand en plus on tient compte de l'état d'esprit dans lequel j'étais plongé, du trouble qui m'habitait et qui avait motivé ma promenade pour justement mieux y réfléchir, et qu'une charge émotive particulière reliait cette chanson à mon tourment, il est difficile de nier qu'il s'est déroulé à cet instant précis une extraordinaire synchronicité, dont les critères satisfont pleinement la définition que Jung attribue à ce genre de phénomène.

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P.S. : Ce matin, après avoir terminé la rédaction de ce carnet, j'ai rédigé un courriel intitulé Le Mur du Son pour la Place des Arts afin me plaindre du son auquel j’ai eu droit pendant le spectacle de Charlebois (ils avaient sollicité mon avis par courriel). Et devinez quelle chanson s’est mise à jouer à la radio.!? Ça s'invente pas ça non plus, comme si d'écrire à propos de la synchronicité en avait provoqué des petites...